Nous tuons 65 milliards d’animaux terrestres et 1000 milliards d’animaux marins, chaque année dans le monde, soit 34’000 individus par seconde[1]. Ces chiffres, loin d’être dérisoires peuvent nous amener à nous poser la question suivante : Tuer un animal alors que ce n’est pas nécessaire[2], ne serait-ce pas de la violence superflue ? Ou encore, comment le tuer humainement c’est-à-dire avec compassion, empathie et respect ? Les antispécistes pensent, comme l’affirme Thomas Lepeltier que « tuer un animal qui ne veut pas mourir se fait difficilement en douceur. »[3]. C’est d’ailleurs ce que nous pouvons aisément observer, avec les enquêtes révélées par l’association PEA[4], dans les abattoirs suisses.
L’antispécisme est donc un mouvement qui prend en compte, de la même manière, les intérêts à vivre et à ne pas souffrir des animaux humains et non-humains. Ainsi, ce mouvement politique s’oppose directement au spécisme qui hiérarchise arbitrairement les animaux. En effet, c’est cette hiérarchie qui, aujourd’hui, justifie la différence de traitement entre un chat et une vache ou encore que l’être humain s’arroge le droit de vie ou de mort sur d’autres animaux.
Par conséquent, en pratique, le mouvement antispéciste boycotte l’exploitation animale (véganisme) et lutte pour l’égalité de considération des intérêts des individus sentients. Ainsi, les antispécistes se battent contre tout type de discriminations arbitraires. D’ailleurs, le mot spécisme a été inventé par Richard D. Ryder, par analogie aux termes sexisme et racisme. L’antispécisme s’inscrit donc, aux côtés d’autres luttes, dans une recherche d’un monde plus juste et plus humain. En effet, ce mouvement est avant tout une position éthique selon laquelle il est totalement immoral de tuer et d’exploiter des individus, qui ont des intérêts à vivre et à ne pas souffrir, pour la simple raison qu’ils ne sont pas humains. Remplacer le mot « humains » par hommes ou blancs permet d’ailleurs assez facilement de comprendre les liens qui sous-tendent l’antispécisme, le féminisme et l’antiracisme. En effet, toutes ces luttes veulent faire cesser « la minimisation, l’occultation ou le déni de la souffrance de ceux qui sont considérés différents »[5]. Pour illustrer cela, nous pouvons prendre l’exemple de la forte utilisation d’euphémismes qui permettent de « modifier la réalité », du fait de la performativité du langage. Ainsi, on parle d’« équilibrage des nids » et non d’élimination des lapereaux en surnombre en leur brisant le crâne, d’« endormissement» et non de gazage, de viande et non de cadavre, etc. Ce langage euphémisé, que nous utilisons tous les jours, participe à cette minimisation ou cette occultation de la souffrance animale. Ce n’est d’ailleurs surement pas un hasard s’il est couramment utilisé par les ouvriers d’abattoir, notamment. C’est, en effet, une activité qui est rarement pratiquée par plaisir et qui laisse souvent des séquelles psychologiques[6].
En somme, l’antispécisme c’est simplement faire preuve d’empathie envers des animaux non-humains, en prenant en compte leurs intérêts à vivre et à ne pas souffrir. La question centrale ici est donc, pourquoi exploiter et tuer alors que ce n’est pas nécessaire ?
De plus, l’exploitation animale est néfaste pour l’environnement. En effet, selon la FAO[7], l’élevage est responsable de 70 % de la déforestation, de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre anthropiques. Et la pêche génère au moins 46 % du plastique présent dans les océans[8]. En outre, l’élevage entraîne une forte eutrophisation des espaces aquatiques, il pollue les eaux, utilise énormément de terres et d’eau potable, il acidifie les sols, etc. À nouveau, utiliser toutes ces ressources uniquement pour manger un animal ou l’une de ses sécrétions, alors que ce n’est pas nécessaire, ne serait-ce pas du gaspillage et de la pollution inutile ?
En conclusion, il nous apparaît que l’antispécisme permet d’étendre notre champ de considération à tous les êtres sentients, afin de tendre vers une société sans domination et sans exploitation.
« Soyez toujours capables de sentir au plus profond n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui n’importe où dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. » Che Guevara
Elisa Moret, membre des JSVR
Si les intersections entre ces mouvements vous intéressent, n’hésitez pas à consulter, entre autres, les travaux de Carol J. Adams, Lori Gruen, Angela Davis et Amie Breeze Harper.
[1] Plaidoyer pour les animaux.
[2] Melina, Craig, et Levin, « Position of the Academy of Nutrition and Dietetics ».
[3] Lepeltier, Les véganes vont-ils prendre le pouvoir ?
[4] « Enquête inédite dans l’abattoir de Martigny, Suisse ».
[5] Ballast, « BALLAST | Dalila Awada ».
[6] ECDYSIS #2 – MAURICIO GARCIA-PEREIRA (OUVRIER EN ABATTOIR).
[7] « a-a0701f.pdf ».
[8] « The Great Pacific Garbage Patch ».